En 2017, puis en 2018, l’Abes a sollicité des catalogueurs du réseau Sudoc, afin de participer au groupe Normalisation du programme Transition bibliographique, en charge de l’écriture du code de catalogage RDA-FR. Emmanuel Courtine, de la Bibliothèque interunivesitaire Cujas, avant répondu au premier appel à volontaires, pour partager son expertise de catalogage de textes juridiques. Que signifie « écrire le code » et faire partie d’un groupe de normalisation ? Voici son témoignage.
La spécificité des œuvres juridiques
Le sous-groupe « Œuvres textuelles juridiques » a été créé en octobre 2017 au sein du Groupe de travail « Données d’autorité pour les œuvres et les expressions » du Groupe Normalisation « RDA en France ». En effet, depuis leur sortie du périmètre de Rameau, les traités, conventions, chartes, constitutions, lois, sont décrits comme des œuvres. Il devenait donc urgent d’élaborer des règles précises pour la description et la construction des points d’accès de ce type d’œuvres. En outre, ces règles remplaceront la norme AFNOR Z 44-061, annulée en août 2017.
Concrètement, des documents publiés ont pour titre ou pour objet une compilation de lois (code), une constitution, un recueil de traités, une coutume, une compilation d’ordonnances royales, une directive européenne, des actes judiciaires, un factum. Comment décrire leur contenu ? C’est-à-dire, en termes LRM, comment décrire les œuvres (créations intellectuelles) contenues dans les documents publiés (manifestations) ?
Nous pourrions prendre comme exemple un Code de procédure pénale 2018, un code civil belge, un Recueil de traités européens, un ouvrage portant sur le Traité de l’Elysée (1963) ou sur le Protocole de Kyoto (1997). Quel titre privilégié choisir ? Quelles seront les dates associées à ce titre privilégié ? Quelles seront nos divergences et spécificités par rapport à RDA, dans le cadre de sa transposition en France ? Comment tenir compte du contexte français et faire prévaloir notre analyse bibliographique ?
Le travail dans un groupe de normalisation
J’ai été contacté par l’Abes pour participer à ce sous-groupe en tant que correspondant autorités / Rameau à la Bibliothèque interuniversitaire Cujas, bibliothèque de référence en droit en France. J’étais enthousiaste à l’idée de participer à l’élaboration du code RDA-FR, destiné à être utilisé par tous les professionnels du catalogage. Je peux apporter mon expérience de 16 années de traitement documentaire de documents juridiques (périodiques, publications officielles, monographies anciennes et courantes) et des autorités titres essentiellement, ainsi que mes connaissances en droit public de par ma formation universitaire. C’était aussi pour la Bibliothèque interuniversitaire Cujas l’opportunité de contribuer concrètement au programme de la Transition bibliographique.
Avec les autres membres du sous-groupe « Œuvres textuelles juridiques », je suis amené à fournir des définitions à partir de dictionnaires de vocabulaire juridique : quelles sont les œuvres juridiques (lois, constitutions, traités, recueils de jurisprudence, actes judiciaires), leurs formes (acte royal, code, charte, directive et règlement européen, factum, …), les dates pertinentes (date de signature des lois, date de conclusion d’un traité) – ceci dans le contexte juridique français (celui d’un pays de tradition civiliste héritier du droit romain, ayant changé de régime en 1789) et européen, différent de celui de RDA (pays de droit anglo-saxon ou common law) ?
Nous sommes aussi sollicités pour présenter les identifiants propres aux textes législatifs et de jurisprudence (NOR, ELI ou ECLI) et recenser les sources de référence (comme Légifrance) à utiliser pour le choix du titre privilégié et des variantes de titre.
Ce travail est destiné à alimenter des annexes qui accompagneront le chapitre 7.1.3 de RDA-FR sur les œuvres et expressions juridiques.
Cette activité de normalisation améliore ma compréhension des œuvres juridiques (mode de citation, mode d’élaboration des textes législatifs et traités). Dans ce groupe de travail, nous cherchons aussi régulièrement des exemples concrets pour illustrer les règles, que, pour ma part, je tire de mon expérience de catalogueur ou de recherches dans les catalogues bibliographiques et fichiers d’autorité.
Quels intérêts, pour ma pratique professionnelle ?
Avoir la chance de participer au programme national de la Transition bibliographique, c’est intégrer un groupe de travail rassemblant des représentants des bibliothèques de l’Enseignement supérieur et de la BnF, ce qui représente pour moi une ouverture professionnelle et une bonne expérience de travail en réseau.
C’est enfin et surtout pouvoir s’approprier des règles que nous serons les premiers à utiliser : cette initiative de faire contribuer à l’élaboration du code RDA-FR les catalogueurs directement concernés par son application future me paraît donc très intéressante.
En effet, cette participation à la Transition bibliographique constitue pour moi une véritable formation professionnelle : je me familiarise de façon pratique avec les concepts d’œuvre et d’expression du modèle LRM et je comprends mieux les relations entre les entités, les contours de l’entité expression, l’incroyable diversité des liens à venir. Elle m’a donc permis de gagner en expertise professionnelle, de mieux remplir mon rôle de correspondant autorités / Rameau auprès de mes collègues de la BIU Cujas et m’a certainement aidé dans mon évolution professionnelle.
Emmanuel Courtine
Bibliothèque interuniversitaire Cujas