Publication du rapport sur les « Implications pratiques de la Transition bibliographique dans l’ESR » : quels enseignements pour l’Abes et ses réseaux ?

  • Commentaires de la publication :4 commentaires
Print Friendly, PDF & Email

Commandé à l’automne 2022 par l’Abes au consultant néerlandais Maurits Van der Graaf (Cabinet Pleiade Management and Consultancy), le rapport sur « Les implications pratiques de la Transition bibliographique pour les bibliothèques de l’ESR » est publié sur le site de l’Abes.

Objectifs de l’étude

Cette étude, menée de manière indépendante et neutre, a été demandée dans l’objectif d’aider l’Abes à définir, pour elle et pour ses réseaux, une trajectoire pragmatique et réaliste dans la mise en œuvre des transformations induites par la transition bibliographique. Entamé depuis plus de 8 ans, le programme national Transition bibliographique, co-piloté par l’Abes et la BnF, doit désormais trouver une application concrète au sein des réseaux de l’ESR. Dans la perspective de son prochain Projet d’établissement 2024-2028, l’Abes doit se doter d’une vision claire et réaliste des modalités de transformation de ses catalogues et bases de données, étayée des retours d’expériences internationaux ou français, à dessein de mieux mesurer les risques, d’anticiper les coûts et de préparer la communauté des bibliothécaires de l’ESR à ces changements majeurs.

Le passage à un système de données organisé selon une modélisation entités-relations, entièrement compatible avec les principes du Linked data, fait partie des axes de travail de l’agence pour les prochaines années. Mais comment la mettre en œuvre concrètement, et comment l’articuler étroitement avec la refonte du système d’information documentaire de l’Abes, aujourd’hui vieillissant, tout en accompagnant les réseaux dans cette évolution si importante ?

De ce rapport étaient attendues une analyse des mises en œuvre déjà existantes et des propositions pour aider à dessiner la trajectoire des prochaines années.

Une mise en perspective internationale

Dans le cadre de son rapport, Maurits Van der Graaf a interrogé de nombreux professionnels des bibliothèques au niveau international (Belgique, Suisse, Pays-Bas, Slovénie, Allemagne, Suède, Norvège, Finlande, Royaume-Uni, États-Unis), ainsi que des représentants de fournisseurs de métadonnées et d’éditeurs de SGB très représentés dans les bibliothèques de l’ESR.

Il a ainsi pu caractériser la tendance qui se dessine dans les grands projets internationaux de SI de nouvelle génération : le modèle et vocabulaire BIBFRAME, initialement conçu en 2011 par la Bibliothèque du Congrès, est actuellement en fort développement et connaît une adoption de plus en plus large dans des projets visant à diffuser des données MARC dans un univers Linked Data, voire à produire directement des données compatibles, sans conversion, avec les standards du Linked Data. À noter toutefois qu’un des inconvénients actuels de ce modèle non normalisé est sa libre adaptation au gré des besoins et contraintes de ses utilisateurs, avec les inconvénients que suscitent ces adaptations dans l’échange de données bibliographiques.

Parmi les interlocuteurs de Maurits Van der Graaf, de nombreuses institutions travaillent en parallèle au remplacement de leurs anciennes pratiques de catalogage par le standard international RDA, même si cette évolution paraît généralement moins avancée que l’adoption de BIBFRAME comme modèle et format de stockage et de diffusion. La convergence entre le modèle promu par RDA, compatible avec IFLA LRM, et celui promu par BIBFRAME dans sa version initiale, est un sujet important au sein de la communauté BIBFRAME. Une nouvelle instance, le « BIBFRAME Interoperability group», a d’ailleurs été mise en place en 2022 sous l’égide du Programme coopératif de catalogage américain (PCC) pour traiter de ces sujets et tout particulièrement de l’élaboration d’un BIBFRAME « standard » pour l’échange de données. Il est par exemple nécessaire de réconcilier la vision par BIBFRAME de la description bibliographique, basée sur les entités « Work », « Instance » et « Item », avec celle de RDA et IFLA LRM, fondée sur la modélisation WEMI (« Work », « Expression », « Manifestation », « Item »), que les bibliothécaires français connaissent bien.

Maurits Van der Graaf indique par ailleurs qu’un groupe de travail issu de la communauté Share-VDE a commencé à travailler sur la conversion entre UNIMARC et BIBFRAME, pour produire des données liées en BIBFRAME à partir de données structurées en UNIMARC. Ce vocabulaire souple et performant, qui restait encore il y a peu isolé des grands standards internationaux que sont IFLA LRM et RDA, commence donc également à émerger comme «porte de sortie» désirable au sein de la communauté UNIMARC, ce que viennent conforter — pour l’instant modestement — certains échanges entre les membres du Permanent UNIMARC Committee (PUC).

Pour donner suite à l’étude de Maurits Van der Graaf, il resterait à documenter des cas de transition vers le Linked data au sein de la communauté UNIMARC. Il est difficile aujourd’hui de savoir ce que prévoient les pays utilisateurs de ce format, et ce même au sein du PUC, où les membres sont peu loquaces sur leurs projets. Maurits Van der Graaf a lui-même indiqué ne pas avoir pu recueillir d’informations sur la trajectoire de l’UNIMARC dans le contexte de la transformation bibliographique internationale.

L’approche française

Le deuxième grand axe du rapport est une analyse des postulats actuels du programme national Transition bibliographique et une projection concrète dans le contexte de l’ESR, avec un calendrier d’application pour l’Abes et une estimation du coût et des écueils possibles. Si l’Abes faisait sa transition bibliographique selon les principes posés dans le cadre du programme national, quelles en seraient les modalités concrètes et les grandes étapes ?

Le rapport relève d’abord la spécificité de l’approche française, qui consiste à la fois en une évolution des pratiques de catalogage (via des travaux de normalisation) et un enrichissement important du format d’échange (à travers les travaux du Comité français Unimarc, ou CfU). Ainsi, en même temps que le GT Normalisation du programme national rédige la nouvelle norme de catalogage française RDA-FR (qui permet un catalogage entités-relations conforme à IFLA LRM, proche du code international RDA tout en conservant certaines spécificités de la tradition catalographique française), le CfU développe, en lien avec le Permanent UNIMARC Committee, une évolution du format UNIMARC, baptisée UNIMARC ER (pour entités-relations). Le format UNIMARC ER permet de décrire toutes les entités prévues par le modèle IFLA LRM (notamment les entités bibliographiques OEMI) en utilisant de nouvelles zones, sous-zones, etc., sans pour autant changer fondamentalement la structuration de l’UNIMARC, largement utilisé dans les échanges de données en France.

Sans faire de préconisations, l’étude de Maurits Van der Graaf propose un scénario détaillant les différentes étapes nécessaires à la transformation des données de l’Abes avant de poser, dans sa conclusion, plusieurs questions sur la conséquence des choix français et leur application concrète dans l’ESR et auprès des fournisseurs.

Alimenter la réflexion sur le programme national

Ce rapport, dont on doit entendre les alertes, confirme l’importance du programme tel qu’il a été pensé dès 2014 : un certain nombre de grandes institutions font leur transition bibliographique en renouvelant leurs pratiques de catalogage, en convertissant leurs métadonnées dans une nouvelle organisation, plus riche et plus utile, basée sur des référentiels d’entités liées par des relations, visant autant que possible une conformité avec le modèle international IFLA LRM. Ces institutions diffusent ces nouvelles données librement sur le web, dans des formats compatibles avec le web de données, ce qui permet de nouveaux usages de l’information produite par les bibliothèques. Celles-ci commencent également à proposer à leurs équipes de nouvelles modalités de catalogage et d’exploitation des données, et pour cela visent le plus souvent une sortie complète du MARC d’ici à 2040.

Le rapport sur « Les implications pratiques de la transition bibliographique » fournit des éléments importants et concrets qui permettront d’alimenter la réflexion sur la feuille de route du Programme national. Le Comité Stratégique Bibliographique (CSB), instance interministérielle qui réunit le Ministère de la Culture et le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en plus des directions de la BnF et de l’Abes, consacrera d’ailleurs sa prochaine séance, en octobre, à ce sujet.

Cet article a 4 commentaires

Laisser un commentaire

Tweetez
Partagez
Partagez
Aller au contenu principal